Le temps passe et nous voici déjà à moins d’un mois de notre Solitude ici à Limonest. Alors que s’en allait le Père Terrien ce dimanche 16 octobre, nous accueillions le Père Diego Arfuch avec qui nous commencions la nouvelle semaine. Avec lui, nous avons travaillé sur le thème « Histoire de Saint-Sulpice et des séminaires ». Le rapport que nous voudrions faire de cette semaine laborieuse faite d’enseignements et de travaux personnels indiquera les grands axes du parcours effectué avec le Père Diego, historien et patrologue, actuellement supérieur du séminaire d’Issy-les-Moulineaux à Paris. Il prendra également en compte deux autres événements qui ont marqué la vie de notre communauté cette semaine : l’anniversaire de naissance de Julio San Romano et le départ de Monseigneur Lionel Gendron pour le Canada.


1- Un parcours historique de l’évolution de la Compagnie et de la fondation des séminaires


Ce lundi, nous avons embarqué avec le Père Diego pour un voyage historique de la Compagnie de Saint-Sulpice et de la fondation des séminaires. L’histoire ici n’est évidemment pas à entendre dans le sens ancien et vieilli de « récit des événements passés ». Elle articule à la fois le passé, le présent et l’avenir dans une même dynamique. Aussi, avons-nous commencé ce voyage en déterminant les sources référentielles pour écrire aujourd’hui l’histoire de la Compagnie :des rapports des Conseils du Généralat et des Provinces, ceux des professeurs dans les séminaires ; des correspondances des Supérieurs avec les Évêques et le témoignage des prêtres ainés.


Après nous avoir présenté très rapidement les différentes méthodes pour aborder l’histoire, le Père Diego nous a informés de son choix d’une approche diachronique afin de nous donner une vue panoramique sur la naissance de la Compagnie et son évolution dans l’histoire. A bien l’entendre, cette session s’inscrit, en quelque sorte, dans la continuité de celles faites avec le Père Bernard PITAUD qui nous avaient présenté le contexte de la naissance de la Compagnie, l’école française de spiritualité et la figure de Jean-Jacques Olier qui en est le fondateur. Dans cette optique, le Père Diego a choisi de commencer sa présentation à partir de M. de Bretonvilliers suivi de M. Tronson qui sont les successeurs immédiats d’Olier et témoins directs des débuts de la Compagnie.

 

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Le supériorat de M. Alexandre le Ragois de Bretonvilliers est marqué par les premières missions dans la Nouvelle-France, le Québec actuel. Selon le témoignage de M. Bruno Harel dont nous avons lu et exposé deux articles sur les débuts de la mission au Québec, le 29 juillet 1657 arrivèrent à la Nouvelle-France quatre prêtres du séminaire de Saint-Sulpice de Paris. Ceux-ci avaient été envoyés par Olier lui-même qui mourut la même année. Cet article de M. Harel sur les premières missions sulpiciennes dans la Nouvelle-France fait état d’un dynamisme pastoral continu. Pendant près de deux siècles, les Sulpiciens ont, en effet, animé la vie pastorale de la Nouvelle-France avant la fondation du premier séminaire en 1840.


Ceci nous a poussé à interroger l’identité de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice dont le charisme est perçu aujourd’hui presqu’exclusivement comme des formateurs dans des séminaires.


solitude 2022 50Il y a une dynamique missionnaire et pastorale que révèle l’histoire et qui ne saurait être compris comme simple élément historique mais comme faisant partie de l’identité de la Compagnie. Le père Diego a relevé le rôle remarquable qu’a joué M. de Bretonvilliers en ces débuts de l’élan missionnaire de la Compagnie. M. de Bretonvillier sa beaucoup investi son propre argent pour aider la mission dans la Nouvelle-France naissante.

Aussi, affirme le Père Diego, « La compagnie de Saint-Sulpice est née, certes, de l’intuition d’Olier mais il n’est pas à négliger la générosité et la mystique de M. de Bretonvilliers, ainsi que le charisme du leadership de M. Tronson ». C’est avec ce dernier qu’a commencé la tradition de l’écriture. C’est aussi lui qui fixa le rôle des Directeurs et celui des Supérieurs dans les séminaires et donna une importance particulière au Conseil du séminaire.


À lire M. Pitaud, on pourrait dire que le mot clé pour Tronsonétait la cordialité, conclut le Père Diego. Si donc M.de Bretonvilliers a beaucoup aidé la Compagnie financièrement en ses débuts, M. Tronson l’a dotée d’un sens d’organisation qui consolide jusqu’aujourd’hui encore son existence.


Après la mort de M. Louis Tronson en 1700, c’est M. Leschassier qui lui succéda. Il a conduit la Compagnie dans le contexte du Jansénisme qui battait son plein. Saint-Sulpice gardait toujours la fidélité au Pape. Notre parcours historique nous a montré l’enjeu des relations difficiles entre l’Église et l’État, entre les Papes et les Rois de France. Mais Saint-Sulpice a su presque toujours tenir la bonne position grâce à l’habileté, à la sagesse et à la prudence de ses premiers responsables. Une époque particulièrement difficile de la vie de Saint-Sulpice est celle de la Révolution française. M. Emery, figure éminente de cette petite Compagnie a su la conduire avec beaucoup de dextérité mais non sans douleurs ni sacrifices jusqu’à sa reconstitutionaux lendemains de la Révolution. La Compagnie était menacée de disparition d’autant plus que sous son ordre tous les confrères desséminaires s’étaient dispersés, quittant les séminaires pour des horizons déterminés parleur bon sens. Au même moment, l’Île de Québec était déjà passée aux mains des Anglais. Les Sulpiciens ne pouvaient plus y aller. C’est dans ce contexte assez difficile que M. Emery eut l’ingénieuse idée de proposer la fondation d’une mission aux États-Unis d’Amériques. Un accord fut signé avec l’évêque de Baltimore en 1791 et M. Emery y envoya quatre Sulpiciens. M. Nagot fut nommé premier Directeur du séminaire qui venait d’être fondé à Baltimore. Nagot, Tessier et Garnier sont les figures principales de cette nouvelle fondation.


solitude 2022 51De 1791 à 1800 la vie du séminaire de Baltimore a été très modeste. Il n’y avait pas de vocation. Aussi, sous la houlette de Monseigneur Caroll, les prêtres sulpiciens s’étaient lancés dans une importante activité pastorale. L’écho du bon travail missionnaire qu’ils ont fait a poussé la « Couronne anglaise » à demander à la Compagnie de renforcer l’équipe déjà affaiblie de Montréal. Alors M. Emery envoya dix-huit autres Sulpiciens en renfort à l’équipe de Montréal qui finit par fonder le séminaire de Montréal en 1840.


Le séminaire de Baltimore a connu des difficultés institutionnelles qui ont conduit, en 1830, le Conseil général à décider la nomination de M. Deluol comme responsable de la communauté des États-Unis avec quatre conseillers. C’est le début d’une certaine autonomie des Sulpiciens des États-Unis avec la France. La mission sulpicienne aux États-Unis a connu, ensuite, un rayonnement admirable sous l’épiscopat de Monseigneur Flaget qui a créé un séminaire,et deux paroisses dont les Sulpiciens avaient la charge. L’intégration admirable des Sulpiciens dans la culture américaine a conduit à ce que le Docteur Christopher Kauffman a appelé l’américanisation de Saint-Sulpice dans son article qui nous a été exposé par un des Solitaires. En définitive, la manière de vivre des Sulpiciens aux États-Unis montre un grand sens de responsabilité individuelle et un humanisme religieux. Ils sont vus comme un peu progressistes, mais ils se conforment, en général, aux dispositions de l’Ordinaire des lieux.


Le supériorat de M. Carrière a donné une grande visibilité à la Compagnie. C’est la période où le pape Pie IX accorda une indulgence à tous ceux et celles qui réciteraient la prière d’Olier « O Jésus vivant en Marie… ». C’est dans cette même période qu’il a eu l’institution d’une Procure à Rome sous la demande du Pape. M. Faillon en fut le premier procureur. Au tout début du XXe siècle, la Compagnie a dû faire face à la loi de la séparation de l’Étatet de l’Église. Dans la Compagnie de Saint-Sulpice, on décida de diviser en Provinces la Compagnie. Cette politique redynamisa la Compagnie avec l’élan missionnaire qui a conduit à des missions sulpiciennes au Vietnam, en Amérique latine, au Japon et en Afrique.

 

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Sous le Généralat du cardinal Verdier, à la fois Supérieur général de la Compagnie et Archevêque de Paris, en 1929, le Conseil général prit la décision de répondre à une invitation pour fonder un séminaire au Vietnam. Ainsi, le premier septembre 1933 le séminaire Saint-Sulpice ouvrit ses portes à Hanoi. Le Cardinal Verdier répondit, ensuite, favorablement à la demande d’une fondation en Chine.


Si la mission sulpicienne a été de l’ordre d’une prise en charge complète de séminaires au Vietnam, au Japon et en Amérique latine, elle est, en général, de l’ordre de la collaboration en Afrique. Ainsi, en 1955 sur l’invitation des Pères de la Société des Missions Africaines (SMA), des Sulpiciens sont allés prendre en charge la direction du séminaire de Ouidah dans la collaboration avec des prêtres diocésains avec qui ils ont travaillé. L’article de M. Charles Bonnet « Sommaire et esprit missionnaire en Afrique francophone » nous a montré les joies, les espoirs et aussi les appréhensions suscitées par ces diverses expériences sulpiciennes en Afrique. Au total, les missions sulpiciennes se sont déployées au Dahomey (Bénin) à partir de 1955, au Rwanda en 1959, en Haute-Volta (Burkina-Faso) en 1962, au Zaïre (République démocratique du Congo) en 1968, en Côte d’ivoire et au Cameroun en 1976. Le Togo et la République du Congo (Brazzaville) se sont ajoutés à cette liste ces dernières années.


Notre parcours historique n’a pas manqué de relever les difficultés qu’a connues la Compagnie aux lendemains du deuxième Concile de Vatican et des événements de Mai 68. Elle a enregistré plusieurs départs de prêtres, des contestations de séminaristes, des critiques d’évêques et des calomnies d’ecclésiastiques et de fidèles qui la rendent responsable de la crise du sacerdoce comme si Saint-Sulpice avait le monopole de la formation dans le monde. En passant en revue l’état actuel de la Compagnie dans les trois Provinces, le Père Diego a allumé en nous un feu d’espérance et de confiance à l’avenir qui dépendra beaucoup de notre témoignage missionnaire empreint d’humilité, de respect et de collaboration avec les évêques. Aujourd’hui la Compagnie compte près de 260 membres dans le monde et les nombreuses vocations venant d’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine sont des signes d’une nouvelle dynamique de cette petite famille religieuse qui veut s’offrir à l’Église comme une chance pour la formation des prêtres. C’est sur cette note d’espérance que s’est achevé cet impressionnant parcours historique qui a profondément marqué chacun de nous.


2- Célébration d’un anniversaire en ce début de semaine


solitude 2022 53 2Ce lundi, premier jour de la semaine, notre confrère et ami Julio San Román célébrait le don de la vie. L’événement méritait une célébration particulière d’autant plus qu’il s’agit de celui qu’on peut sans abuser appeler « l’homme de la solitude ». Car, il a marqué et continue de marquer nos esprits par sa disponibilité et sa générosité. Il venait d’avoir 51 ans ce lundi 17 octobre. Nous avons reporté la célébration au soir. Ainsi, avant le dîner, nous nous sommes réunis autour de lui pour un apéritif fraternel et convivial. Nous lui avons chanté le traditionnel « happy birthday ». Tout ceci s’est passé après les Vêpres au cours desquelles nous avons prié pour lui et pour ses parents. Cette joie s’est prolongée dans le partage et les échanges que nous avons eus pendant le dîner et bien après… C’était aussi la veille du départ de Monseigneur Lionel Gendron.


3- Retour anticipé de Monseigneur Lionel Gendron au Canada ce mardi 18 octobre


Initialement, il devrait repartir au Canada le vendredi 21 octobre de cette même semaine mais il a dû anticiper son départ pour des raisons de santé. Il a été, en effet, victime d’une occlusion intestinale. La diligence du Père Daniel et des Pères du Prado lui a fait bénéficier du service des urgences. Mais après des examens faits, rien n’a été diagnostiqué. Cependant, notre bien aimé Monseigneur revenu à la maison continuait toujours de souffrir et devenait de plus en plus faible. L’habileté et la prudence du Père Daniel en complicité avec le Provincial du Canada ont conduit au changement de date pour son retour. Ainsi, ce mardi 18 octobre matin après la messe, nous nous sommes réunis dans la cour du Prado, l’entourant de notre présence et de notre filiale affection avant l’arrivée de son taxi. Le Père Guy Guindon qui était encore en France a été amené à accorder son voyage avec celui de Monseigneur afin de l’accompagner par un vol direct, de Lyon à Montréal. Monseigneur Gendron aura laissé en nous le souvenir d’un père agréable, simple, sportif et très accessible. Depuis qu’il est parti, sa place dans notre communauté reste marquée par son absence. Fort heureusement, nous accueillons ce dimanche 23 octobre Monseigneur Goulet qui vient le remplacer pour finir la Solitude avec nous en même temps que nous accueillons le Père Emmanuel Goulard avec qui nous commencerons la semaine suivante sur l’étude de Pastoresdabosvobis et de la nouvelle Ratio fundamentalis.

 

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P. Innocent ATTOUNON