Les origines
Les débuts de la Compagnie sont intimement intimement liés au contexte ecclésial de la Contre-Réforme qui favorisa en France au XVIIème siècle un renouveau chrétien de grande ampleur auquel Jean-Jacques Olier, fondateur a pleinement contribué.
Disciple de Monsieur Vincent de Paul et du Père de Condren, Jean-Jacques Olier [1608-1657] prit part aux missions d'évangélisation des campagnes organisées par eux en France, tout spécialement aux missions d’Auvergne et du pays Chartrain. Il découvrit que cet effort apostolique et missionnaire ne pourrait perdurer sans une réforme du clergé. Or celle-ci supposait l’application des décisions du Concile de Trente (1563) concernant la formation des prêtres.
Ce souci de la réforme du clergé rejoignait celui de nombreux évêques. Plusieurs avaient tenté de fonder des séminaires mais leurs tentatives avaient le plus souvent échoué. En France, la mise en application des préconisations du Concile de Trente paraissait se heurter à des obstacles infranchissables.
Ce désir de travailler à la réforme du clergé en se consacrant à la formation des prêtres, Jean-Jacques Olier le devait aussi à l’influence du Père de Condren, successeur du cardinal de Bérulle à la tête de l’Oratoire de France. Pierre de Bérulle voulait "restaurer l’état de prêtrise", alors si dégradé. Le Père de Condren dissuada Jean-Jacques Olier d’accepter l’épiscopat qui lui était proposé et l’orienta vers l’oeuvre des séminaires. Jean-Jacques Olier se sentit appelé à " porter la contemplation dedans le sacerdoce ".
En fait, c’est une conception nouvelle du séminaire qui, autour de 1642, allait se développer à partir d’une expérience originale, celle des " exercices ", ou retraites, organisés pour les ordinands. Ce fut l’oeuvre de Vincent de Paul, Jean Eudes et Jean-Jacques Olier.
Avec deux autres prêtres, Olier fonda, en décembre 1641, un séminaire à Vaugirard, alors village proche de Paris. Devenu quelques mois plus tard curé de Saint-Sulpice, il transporta cette petite communauté dans le faubourg Saint-Germain où se trouvait ladite paroisse dont il venait d'obtenir la charge. D’autres prêtres se joignirent à lui pour le service du séminaire et de la paroisse. Ainsi fut constituée la Compagnie des prêtres du séminaire de Saint-Sulpice. Comme il s’en explique lui-même, l’intention de Jean-Jacques Olier n’était pas de fonder une congrégation religieuse. C’est pourquoi le séminaire et la Compagnie prirent le nom de la paroisse dont Jean-Jacques Olier avait la cure.
Comme la paroisse, le séminaire se trouvait sur un territoire qui dépendait de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, exempte de la juridiction de l’archevêque de Paris et directement soumise au Pape. De ce fait, Jean-Jacques Olier regardait le Pape comme son supérieur.
Il voulait que le séminaire de Saint-Sulpice puisse servir l’Eglise de France en formant des candidats au sacerdoce que les évêques lui enverraient. De plus, les prêtres sulpiciens attachés au séminaire seraient mis à la disposition des évêques dans leurs diocèses pour travailler à la fondation et à la direction de séminaires diocésains. Ainsi, du vivant même de Jean-Jacques Olier, la Compagnie des prêtres du séminaire de Saint-Sulpice accepta de prendre la direction de quatre séminaires ; à Nantes, à Viviers, au Puy et à Clermont. Mais ce devait être dans l'obéissance à l’évêque du lieu, pour y fonder des séminaires et jamais dans l'ambition de s'y implanter définitivement. On devait être disposé à revenir à " la maison " c'est-à-dire au séminaire Saint-Sulpice de Paris dès que l'évêque estimait que d'autres pouvaient prendre la relève.
Dans l'esprit de Jean-Jacques Olier, la "petite Compagnie" comme il se plaisait à la nommer devait se limiter à un groupe de prêtres peu nombreux, non liés par des vœux, mais bien plutôt par la charité sacerdotale au service de la formation des prêtres.
Les prêtres de Saint-Sulpice devaient renoncer à tout bénéfice ecclésiastique afin de pouvoir se consacrer pleinement à leur ministère de réforme du clergé. Ils devaient être animés d’une vie spirituelle caractérisée tout à la fois par " l’esprit apostolique " et le développement de la " vie intérieure ". Ayant pour finalité la communion à Jésus-Christ, Verbe Incarné, leur vie spirituelle devait se nourrir aux sources de l’Ecriture et être constamment renouvelée par l’eucharistie et l’oraison. La dévotion envers la Vierge Marie tenait une grande place dans la spiritualité des sulpiciens.
La conception du séminaire mise en oeuvre par Jean-Jacques Olier qu’il présenta à l’Assemblée du Clergé de France en 1651, diffère profondément du séminaire tridentin de Saint Charles Borromée ou même du séminaire paroissial d'Adrien Bourdoise. Au lieu de recevoir des adolescents pour les conduire graduellement au sacerdoce, le nouveau séminaire sulpicien n’accueillait que des hommes dont la vocation est déjà éprouvée, ou éventuellement des prêtres envoyés par leur évêque et désireux de se former. Les uns et les autres viennent partager la vie de cette communauté de prêtres pour s’initier à l’esprit apostolique et développer les vertus et dispositions intérieures qui font l’âme sacerdotale. La sanctification du Peuple de Dieu en dépendait et la gloire de Dieu allait y être engagée. Le séminaire constitue avant tout une communauté où les distances sont abolies autant que possible entre les candidats au sacerdoce et les formateurs ; ceux-ci sont avant tout des directeurs spirituels exerçant le "ministère de la direction".
Les grandes étapes
Le développement de la Compagnie s’est opéré à partir de l'expérience du séminaire de Saint-Sulpice. Des évêques de France font appel à ses membres pour fonder ou prendre en charge leur séminaire diocésain. Supérieur général de 1676 à 1700, Louis Tronson donne à la Compagnie son organisation, avec la volonté de rester fidèle à l'esprit du fondateur Jean-Jacques Olier.
La Compagnie est présente au Canada dès 1657, année de la mort de Monsieur Olier. Elle y assure le service spirituel de Ville-Marie qui deviendra Montréal.
À la veille de la Révolution française la Compagnie dirige, en France, une quinzaine de séminaires. Le nombre de ses membres doublera au XVIIIème siècle, passant de 70 en 1704 à 140 en 1789. La Révolution française éprouve durement la Compagnie mais favorise aussi son implantation hors de France. C'est ainsi qu'en 1791, en réponse à l’appel de Monseigneur Carroll, premier évêque des États-Unis, Monsieur Emery envoie quatre sulpiciens à Baltimore, en vue de la fondation d’un séminaire. Au cours du XIXème siècle et au début du XXème siècle, la Compagnie se développe dans l'ensemble de ses provinces historiques : en France, au Canada et aux États-Unis.
En France, Monsieur Emery qui fut Supérieur général de 1782 à 1811 regroupe ses confrères et accepte la charge de dix séminaires. Supprimée par Napoléon en 1811, la Compagnie est bientôt rétablie grâce à sa ténacité puis approuvée par Louis XVIII en 1816 comme " congrégation autorisée ". Le nombre de ses membres s’accroît régulièrement lui permettant de pouvoir bientôt prendre en charge une vingtaine de séminaires en France.
Au Canada, où elle avait, depuis le début de sa présence, la responsabilité de la paroisse Notre-Dame de Montréal et l’aumônerie de plusieurs communautés religieuses, la Compagnie fonde plusieurs collèges et, en 1840, le séminaire de Montréal, qui aura le statut d’université pontificale. Au XXème siècle, la Compagnie prend la charge du séminaire de Saint Boniface, au Manitoba dans l'Ouest canadien.
Aux États-Unis, la Compagnie a un large rayonnement. Passée la période difficile des débuts, le séminaire de Baltimore rassemble un grand nombre de séminaristes. Plusieurs sulpiciens reçoivent la charge épiscopale. Les directeurs du séminaire sont en relation avec Sainte Élisabeth Seton et l’aident dans ses œuvres et ses fondations. Un sulpicien fonde une communauté de religieuses noires et la Compagnie prend la charge de quatre séminaires hors de Baltimore.
Une nouvelle étape de l’histoire de la Compagnie est marquée par la reprise du mouvement missionnaire de ses débuts, avec le départ de deux confrères français au Vietnam en 1929, de deux canadiens au Japon en 1933, de deux français en Chine en 1934 et la fondation des séminaires de Hanoï, de Fukuoka et de Kunming. A partir de 1950, la Compagnie prend en charge plusieurs séminaires en Amérique latine et en Afrique.