Novembre 2023
Histoire abrégée et costumes coloriés des ordres monastiques, religieux et militaires, de l'un et l'autre sexe établis depuis l'origine du christianisme ; contenant l’histoire abrégée de ces divers ordres, leurs mœurs, leurs règles, la description enfin de tout ce qui se rattache à leur existence ; les noms des personnages les plus illustres qui en ont été membres, etc., etc. ; d’après le R. P. Hélyot. Nouvelle édition revue, corrigée et disposée dans un meilleur ordre par une réunion d’ecclésiastiques et d’hommes de lettres, ornée de cent planches Représentant plus de 300 costumes coloriés des différents habillements de ces ordres et de ces congrégations.
Paris, Parent-Desbarres, 1837
Hippolyte Hélyot (1660-1716) fut l’auteur d’un livre de référence sur les costumes religieux, qui fait encore autorité aujourd‘hui. Il s’agit d’une somme de huit volumes intitulée : « Histoire des ordres monastiques, religieux et militaires, et des congrégations séculières de l'un & de l'autre sexe, qui ont esté establies jusqu'à present ; contenant leur origine, leur fondation, l eur progrés, les évenemens les plus considerables qui y sont arrivés ; la décadence des uns et leur suppression ; l’agrandissement des autres, par le moïen des differentes Reformes qui y ont esté introduites : les vies de leurs Fondateurs & de leurs Reformateurs : avec des figures qui représentent tous les differens habillemens de ces Ordres & de ces Congregations », Paris, J.-B. Cognard et Nicolas Gosselin, 1714-1719. Comme mentionné dans le titre même, notre l’ouvrage constitue un abrégé de cette somme historique.
Ornés d’un motif de clé grecque sur la couverture, l’œuvre est éditée en deux tomes non paginés. Les cinquante ordres répertoriés sont numérotés de 1 à 50 et répartis de manière égale dans chaque tome (vingt-cinq par volume). Chaque ordre est présenté avec une page de titre, une note historique de deux ou trois pages le concernant et est illustré par deux planches couleurs sur papier bleu, légendées séparément. La première arbore une grande figure en pleine page et la seconde quatre petites numérotées en chiffre romains et disposées en carré. Chaque figure est peinte à la main et collée dans un cadre ornementé végétal noir et blanc imprimé. Les personnages sont toujours dépeints en pied, dans un décor naturel en arrière-plan1 et adoptent différentes postures, tenant ou non un objet à la main (livre et/ou chapelet pour la plupart). Dans quelques cas, deux personnages sont représentés dans un seul cadre (Tome 1, n°2, n°7, n°8, n°19 ; Tome 2 n°26, n°40, n°41, n°43, n°45), et toujours – à une exception près (Tome 2, n°43) – sur la figure de pleine page.
Outre son côté historique, la grande richesse de cet ouvrage sont ses lithographies coloriées, très détaillées et d’une grande finesse, surtout en ce qui concerne les figures en pleine page. Ainsi, elles nous permettent d’associer l’habit à l’ordre, religieux, monastique ou militaire présenté, et ce, tant dans la forme que dans les couleurs. Toutefois, il est regrettable que le manque de précisions dans les légendes ne permette pas au lecteur non avertit, d’avoir une description précise du vêtement porté et ainsi d’en connaître le vocabulaire attaché, ni d’en connaître la période.
Seul un cas fait figure d’exception. Il s’agit de la notice sur les Chevaliers de l’Ordre de Malte (Tome 1, n°18) où trois des quatre costumes des petites figures mentionnent une date.
La figure n°I, représente un Chevalier de 1678, la n°III, un Chevalier du XIVe siècle et la plus colorée, figure n°IV, un Chevalier en caravane du XVIIe siècle. On peut donc constater qu’entre le 14e siècle et 1678, le costume des Chevaliers de l’Ordre de Malte a peu évolué avec un habit et un manteau noir orné d’une croix blanche à huit pointes. Seule la capuche semble avoir disparue pour laisser place à un autre couvre-chef. Par contre, le costume change dans son intégralité entre la figure I et IV qui pourtant se place toute deux à la même période. Cela s’explique par la différence entre « Chevalier » et « Chevalier en caravane ». En effet, au XVIIe siècle, avant de prononcer ces vœux le Chevalier devait effectuer quatre expéditions maritimes appelées caravanes. Une caravane durait six mois et avait pour objectif de combattre les « infidèles » en mer (pirates turcs, Barbaresques).
Pour le reste des planches, les costumes peuvent être présentés suivant la période de l’année (été/hiver) comme par exemple chez les Trinitaires (Tome 2, n°38), les Prémontrés (Tome 2, n°40) ou les Chanoinesses de Latran (Tome 2, n°41).
L’illustration des différents ordres peut également se faire à travers différents pays ou villes. C’est le cas des Augustines (Tome 1, n°4), des anciens Carmes (Tome 1, n°5), des Ursulines (Tome 1, n°6), des Bethléémies (Tome 2, n°33), des Ermites de Saint-Paul (Tome 2, n°35) ou encore des Ordres de la Visitation et de la Présentation (Tome 2, n°49).
Chez les Ursulines, on peut remarquer que quelle que soit la région, l’habit est sensiblement le même, contrairement aux autres précédemment cités où des particularités régionales, plus ou moins prononcées, existent.
Pour beaucoup, la présentation des costumes d’un ordre se fait à travers l’activité ou le lieu dans lequel se trouve le religieux : « en ville », « dans la maison », « au chœur » ou plus rarement « au travail ».
Dans quelques cas, la figure présentée en pleine page représente l’illustre fondateur de l’ordre en question : S. François d’Assise pour les Franciscains (Tome 1, n°10), S. Benoît pour les Bénédictins (Tome 1 n°14), S. Basile pour l’ordre du même nom (Tome 1, n°11).
Pour les Chevaliers de l’Ordre de Malte, la figure en pleine page est légendée « Le B. Raymond, Fondateur de l’Ordre de Malte » (Tome 1, n°17). Toutefois, le fondateur de cet ordre s’avère être Frère Gérard (v. 1047-1118/1120). Ce qui est d’ailleurs bien précisé à la fin du deuxième volume dans la « liste alphabétique des Fondateurs et Réformateurs des différents ordres religieux » présentés dans cet ouvrage. Si le nom de la personne représenté est correct, il s’agit sûrement de Raymond du Puy (v. 1080- 1158/1160), il s’agit du deuxième supérieur de l’Ordre, appelé en ce temps, les « Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem ». La légende de cette image est soit erronée au niveau du nom du personnage représenté soit au niveau de sa fonction. De plus Raymond du Puy n’a jamais été béatifié.
Si la qualité de l’iconographie et des notices historiques des différents ordres est indiscutable, on pourra déplorer le laconisme des légendes des figures. Cette brièveté s’explique naturellement par le cœur du sujet qui est l’histoire des ordres monastiques et religieux et non celle de leurs vêtements. On regrettera encore l’absence de préface qui ne permet pas d’introduire le sujet et le contexte dans lequel s’inscrit cette nouvelle édition, plus d’un siècle après la publication de la précédente (voir plus haut) ; ni d’avoir d’explications sur le choix de classement adopté par l’éditeur. Malgré cela, l’ouvrage du R. P. Hélyot, reste un des plus passionnants et agréables à consulter.
1Sauf rares exceptions, comme pour saint Augustin (Tome 1, n°1) ou la figure II des Prémontrés (Tome 2, n°40), dans lesquelles le personnage est représenté à l’intérieur d’une église.
Conservé à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque Jean-Jacques Olier (Paris).
Dr. Émeline PULICANI, bibliothécaire-catalogueuse
Province de France de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice