Antiphonaire du Séminaire Saint-Sulpice

Juillet 2023

Huile et encre sur velin, 81,5/57,8/8,5cm, v. 1785-1789, 319 pages enluminées


Figure 1 a @ Archives de Saint-Sulpice - Paris / Clément Savary

Figure 1b détail 1Figure 1 bLes manuscrits enluminés sont souvent associés dans les esprits à la période médiévale. Il existât pourtant une importante production de livres liturgiques manuscrits et peints, sur papier ou sur velin, tout au long des XVIIe et XVIIIe siècle, à l'image du Graduel de la cathédrale Notre-Dame de Paris de 1669, (lien vers ark:/12148/btv1b55006836q ) l’Évangéliaire de la paroisse Saint-Eustache de 1697 (lien vers https://dioceseparis.fr/epistolier-et-evangeliaire.html ) ou de l’Épistolier de la chapelle royale de Versailles de 1776 (lien vers ark:/12148/btv1b10508702b ) . Illustration de la continuité de ce genre de commande jusqu'à la veille de la Révolution, la qualité de cet exemplaire occupe plutôt un rang secondaire en comparaison avec ceux évoqué précédemment. Réalisé sur vélin, d'un grand format, orné de nombreuses vignettes et culots peints, sa production est néanmoins soignée et plus coûteuse que d'autres exemples du même type, comme l'antiphonaire de l'abbaye mauriste de Moutiers-Saint-Jean du XVIIe siècle (B.M. de Semur-en-Auxois (21), sans cote).

Ce manuscrit intéresse donc à la fois l'étude de la production artistique, interrogeant la continuité des modèles traditionnels au-delà des catégorisations habituelles, et celle des pratiques liturgiques, offrant un exemple à la fois typique et complexe de cette catégorie de livre liturgique.


 

Un nom, deux peintres ?

La page de titre de l'ouvrage indique qu'il aurait été peint par un certain Jean Le Jeune, qu'il n'a pas été possible d'identifier. Les enluminures se répartissent en trois catégories, les scènes figurées (fig), les compositions florales (fig) et les paysages (fig), chacune correspondant à un format particulier, les premières formant principalement les vignettes rectangulaires surmontant les titres, les deuxièmes faisant office de culot d'imprimerie en fin de page ou de chapitre, les derniers occupant le fond des lettrines qui marquent le début des principales pièces du répertoire.

La page de titre (fig. 1) se caractérise par le contraste entre deux manières, la lourdeur des tentures, la naïveté de l'anatomie du lion et du bœuf se démarquent fortement de la qualité du manteau, de la chair et de la nuée de l'ange. La faiblesse du traitement du drapé s'observe aussi au verso (fig. 2), où un tapis rouge assez pesant et un vase aux contours épais supportent une élégante composition florale. Cette nette différence amène à envisager la présence de deux mains, l'une pour les figures, l'autre pour les ornements. La hiérarchie des genres donnant la prééminence à la première, il est possible d'y associer la direction de sa réalisation et donc le nom de Jean Lejeune. Le second artiste semble beaucoup plus à l'aise avec les végétations et les marbrures qu'avec les draperies, ce qui permet probablement d'y reconnaître un peintre de fleur à qui aurait été confié tout le travail ornemental, le premier se réservant les scènes bibliques.

Chaque fête est introduite par un large titre surmonté d'une vignette occupant toute la largeur de l'espace de texte, selon une mise en forme commune à tous les livres liturgiques cités précédemment. Au sein d'un encadrement ornemental couvert de rinceaux sur fond de feuille d'or, l'objet de la fête est mis en scène dans un paysage (fig. 3). Le traitement des figures y est assez élégant mais peu individualisé, conforme aux canons de la peinture religieuse de la seconde moitié du XVIIIe siècle. La figuration est élargie aux lettrines dans une minorité de cas, pour la messe de la Fête-Dieu, de la vie intérieure de Marie et des fêtes de Saint Joseph, de Saint Jean et pour les premières vêpres de la vie intérieure de Jésus et de la fête de Saint Jean.

Les autres espaces enluminés sont ornés de compositions ornementales, florales (fig. 4) et de paysages (fig. 5), attribuables au second peintre. De qualités inégales, certaines fleurs sont très réussies, en particulier des tulipes et des pivoines. Les paysages traités en camaïeux, souvent bleus, parfois verts ou roses, sont très délicat, évoquant plutôt une inspiration flamande. À cela s'ajoute des culots et des pleines-pages ornés de bouquets réunissant dans des compositions variées la fore traditionnellement chargée d'une symbolique religieuse à l'époque moderne, en particulier les roses, les lys, les œillets et les pivoines, traditionnelles depuis le Moyen-Âge, ainsi que des tulipes flammées, des volubilis, des fraises et peut-être des dahlias.

 


 

Un outil liturgique

Offices / tirés du / Graduel, antiphonaire, bréviaire / et missel / de Son Éminence, le cardinal / de Noailles, archevêque / de Paris / qui sont chantés à Paris dans la chapelle / du Séminaire de Saint-Sulpice / Œuvre répartie en huit volumes / Tome I / Contient les fêtes annuelles & ea (?) / qui sont propres au Séminaire / Ce premier volume et les sept autres ont été écrits / à Paris / par deux clercs de ce Séminaire / du 1er février de l'an 1708 / jusqu'au 1er mai de l'an 1710.

Malgré son volume imposant, ce manuscrit ne suffit pas à célébrer entièrement les offices. Comme son nom l'indique, l'antiphonaire contient les antiennes, courtes phrases introduisant psaumes et Magnificat lors des vêpres, et Introït, Alleluia/trait/prose, Offertoire, Communion des messes, qui ne sont pas chantés par le chœur mais par le ou les chantre(s). Elles sont de ce fait plus élaborées musicalement que la sobre psalmodie ou les airs biens connus des pièces ordinaires de la messe et des vêpres solennelles. Il fut donc conçu pour les chantres, les séminaristes disposant de psautiers imprimés contenant les textes des psaumes, hymnes et cantiques appropriés à chaque jour. Son caractère à la fois unique - seulement pour les chantres - et central – placé sur le lutrin au centre de la chapelle - explique qu'il ait pu faire l'objet d'une réalisation à la fois monumentale et coûteuse. Plusieurs références renvoies à l'antiphonaire de Paris, conçu en 1736 à la demande de l'archevêque Charles de Vintimille et imprimé en petit format. Le grand antiphonaire manuscrit était donc conçu comme l'élément central et visuellement prééminent d'un ensemble de livres liturgiques imprimés et facilement manipulables fournissant les différentes pièces ré-assemblées à chaque célébrations.


Destiné à un séminaire et non à un monastère, il se concentre sur les antiennes des vêpres – les premières étant chantées la veille, les secondes le jour même - et de la messe, seuls cérémonies célébrées avec solennité dans la chapelle, les autres étant récités plus sobrement ou bien en privés.

Malgré la cohérence apparente du volume, son histoire matérielle semble avoir été mouvementée, comme en témoigne la pagination qui commence au numéro 69. La page de titre annonce le propre dans ce premier volume, les fêtes commune au calendrier parisien étaient certainement prévu dans les tomes suivants, dont on peu se demander s'ils furent jamais réalisés. La primauté donnée au propre s'explique par l'existence des antiphonaires parisiens imprimés, rendant ces éléments moins prioritaires.

Les fêtes sont organisées selon le calendrier liturgique, commençant à l'Avent. En voici la liste :


p. 69 – (25 décembre) 2e vêpres, antienne de la Nativité (Tecum principium)
p. 75 – (27 décembre) Fête de S. Jean l'évangéliste [dont certains éléments sont utilisés pour la fête de St Étienne (26 décembre) et l'octave de la Nativité (25-31 décembre)]
p. 106 – (19 mars) Fête de S. Joseph
p. 137 – (mars/avril) complies du Samedi Saint
p. 163 – (mai/juin) Fête de la Vie intérieure de N.S. Jésus-Christ, le troisième dimanche de la Pentecôte
p. 192 – (6 mai) Fête de S. Jean à la porte Latine
p. 213 – (Jeudi suivant le 29 août ) Fête de tous les Saints Prêtres et Ministres de N.S. Jésus-Christ
p. 303 – (22 octobre) Fête de la Vie intérieure de la Bienheureuse Vierge Marie
p. 330 – (21 novembre) Présentation de la Bhs Vierge Marie [au Temple] et rénovation des vœux cléricaux (p352)
p. I-XXXIV : [ordinaire des] Fêtes annuelles et solennelles majeures et mineures (Kyrie, Gloria, Sanctus) suivies des différents tons, ou neumes (fig. 6) et un air pour le Salve Regina.

Figure 6 @ Archives de Saint-Sulpice - Paris / Clément Savary


 

Genèse d'un rite

L'élaboration des liturgies propres à la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice et pratiquée dans ses séminaires commence dès sa fondation. En plus des fêtes patronales, Saint Sulpice et Saint Jean l'évangéliste, des dévotions particulières à la Vierge, comme sa Présentation au Temple - comprise comme une préfiguration de la consécration religieuse - Jean-Jacques Olier (1608-1657) introduisit dans le calendrier liturgique plusieurs fêtes liées aux grands thèmes spirituels qu'il développa à la suite de Bérulle, comme la Vie intérieure de Jésus et de Marie, Jésus Souverain Prêtre ou Sacerdoce de Jésus . Son successeur à la tête de la Compagnie, Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers (1621-1676), serait l'auteur ou tout le moins le commanditaire des offices et hymnes de ces fêtes, qui furent imprimés dans la décennies 1660. Le mélodies furent composées par Guillaume-Gabriel Nivers (1632-1714), organiste de la paroisse.

Dépendant originellement de l'abbaye bénédictine de Saint-Germain-des-Prés, la paroisse disposait d'une forme d'indépendance relative vis-à-vis du diocèse, permettant à M. Olier d'y établir le rite romain de même qu'au séminaire, sous les auspices des religieux mauristes qui le suivaient aussi. Cette indépendance fut cependant progressivement remise en cause dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Après de nombreuses années de conflits de juridiction entre l'évêché et l'abbaye, la collation de la cure, c'est-à-dire la nomination du curé, fut remise par la bénédictins à l'archevêque par un traité signé le 20 septembre 1668 . Après une première tentative en 1680, le retour au rite parisien restauré est effectif à la quasimodo 1692 à la paroisse, et en 1708 au séminaire. Cette dernière mesure demandée par le cardinal de Noailles s'explique non seulement par le désir d'unité au sein du diocèse, mais aussi parce que le séminaire sulpicien, quoi qu’indépendant, inter-diocésain dirions-nous aujourd'hui, formait une part importante du clergé parisien, qui devait repasser au bréviaire et au missel diocésain après avoir passé les années d'apprentissage avec le rite romain.


Les offices propres sont alors adaptés aux usages parisiens, publiés en 1709, par deux clercs du séminaire, probablement Louis-Nicolas de Cheray (1684-1743) futur curé de Saint-Roch (Paris) et Jean Robinet (?) futur curé de Saint-Maclou (Rouen).

La diversité des formes de la liturgie chrétienne trouve ces racines dans l'élaboration de spécificités locales dès la fin de l'Antiquité. Cette longue et complexe histoire est faite de nombreux dialogues entre les principaux centres spirituels, Rome, Milan, Aix-la-Chapelle, et les grandes cathédrales du nord de la France aux XII-XIVe siècles. C'est dans ce bassin de la Seine que s'élabore le rite dit gallican, dont la forme parisienne devient l'emblème. Si les différences étaient nombreuses avec le rite romain fixé au lendemain du Concile de Trente par le pape Pie V (Bréviaire en 1568, Missel en 1570), toutes n'étaient pas nécessairement perceptibles par d'autres que le clergé, comme des différences dans les formulations, dans l'ordre des psaumes ou dans le détail de certains gestes. L'aspect le plus visible pour tous, aussi bien prêtres que fidèles, était les grandes variations de couleurs employées pour parer les autels et les vêtements des ministres de l'autel. Variant selon les périodes de l'année et les fêtes du calendrier, la symbolique des principales couleurs de la liturgie romaine a été conservée dans l'usage parisien, mais s'applique différemment, le blanc dominant dans la première et le rouge dans le second. D'autre part, le violet du Carême et de la Semaine Sainte s'applique au temps de la septuagésime - les trente jours avant le mercredi des Cendres - les quarante jours suivant étant en « cendré » - gris – et la Semaine Sainte en noir. Enfin, la pratique du temps ordinaire présente une notable différence, puisque que la couleur verte du missale romanum n'est appliquée qu'à quelques fêtes mineures dans les églises gallicanes, le temps ordinaire, de la Trinité à l'Avent et de la Présentation à la Septuagésime étant en rouge .

Il est plus délicat de comprendre pourquoi une nouvelle reprise des livres rituels fut opérée dans les années 1780. Cela ne représente cependant pas un caractère unique pour la période, qui connut une grande révision liturgique, en particulier dans les ordres monastiques, qui furent sommés par le pouvoir royal de revoir leur législation, et menèrent un travail de modernisation, en particulier musical, tout au long du règne de Louis XVI . Les dernières lignes de la page de titre en donnent quelques détails, sans en préciser la raison :


Emendavit, ac Ritui hodierno Parisiensi, addito Supplemento /
accomodavit Simon Antonius Blandin, Presbiter /
Aeduensis, in magno Seminario Sti Sulpitii /
per induclas annorum 1784 & 1785


L'auteur de ce remaniement, Simon-Antoine Blandin (1759-1830) fut envoyer au grand séminaire de Paris, puis une fois ordonné s’agrégea un temps au clergé paroissial, étant apprécié comme catéchiste. Il rentra ensuite dans son diocèse, où il reçut diverses cures avant d'accéder au canonicat métropolitain en 1789 . Son travail pour le séminaire se place donc au tout début de sa carrière sacerdotale, ce qui avait aussi été le cas des rédacteurs du propre en 1709. Il est curieux que ce travail n'ait pas été confié à des membres de la Compagnie, peut-être trop occupés à la direction des séminaires ou manquant de membre suffisamment portés sur la musique.


 

Une iconographique sulpicienne

Comme nous l'avons évoqué, la représentation des saintes figures s'intègre parfaitement aux usages de représentation du XVIIIe siècle, tel qu'on les trouve aussi bien chez Jean Jouvenet que chez François-Ignace Parrocel. Si le choix de certains sujets est très conventionnel, par exemple pour Saint Joseph, comme protecteur de la saint famille ou Saint Jean, comme auteur de l'apocalypse et martyr, une part importante de ces scènes font l'objet de compositions originales ou démontrent la pérennité de l'héritage spirituel du fondateur au travers de l'iconographie et de la liturgie.

La première lettrine de la fête de la Vie intérieure de Jésus (fig. 7), ouvre une antienne tirée du prologue de Jean, Verbum caro factum est, et habitavit in nobis... Dans une sombre nuée sont représentés les trois personnes de la trinité qui semble mettre en image la procession de l'Esprit qui, selon la version occidentale du credo de Nicée-Constantinople, procède du Père et du Fils. Sur cette image, la colombe prend son envole depuis le sein du Père, représenté âgé dans un ciel d'or, sa course est représentée par un rayon qui va frapper le cœur du Fils, d'où il rejaillit vers un globe, symbolisant l'univers, tout enflammé de ce souffle divin. Nous ne connaissons aucun équivalent à cette image dans l'art français tridentin. Plus traditionnel, la vignette de la fête montre dans une nuée et un fond doré l'agneau mystique couché sur l'autel décrit dans l'Apocalypse, reposant sur une croix, reprenant l'interprétation patristique de cet agneau comme image de Jésus comme victime innocente du sacrifice pascal. Cette même figuration avait été réalisée pour orner le sommet du tabernacle de la chapelle de la Vierge à la paroisse Saint-Sulpice, lieu spécialement dédié à la dévotion eucharistique depuis le XVIIe siècle .

La fête des prêtres et ministres fut illustrée en vignette du don des clefs à Pierre (fig. 8), en y ajoutant la présence de l'Esprit Saint descendant sur lui, le désignant comme la source de l'autorité christique sur terre, d'où découle la succession apostolique. Parmi les chutes d'ornements ecclésiastiques représentant les objets directements liés à l'autel, sa garniture à gauche avec crucifix et pique-cierges, et l'Eucharistie à droite avec la calice et l'ostensoir, mêlés aux insignes papaux de la férule et de la tiare. La première vignette représente une sorte d'apothéose de l'Eucharistie dans un ciel doré. Plus intéressante est celle du Cessant figurae (fig. 9), qui illustre la lecture typologique des deux liturgies, hebraïque et chrétienne, la première préfigurant la seconde, la seconde accomplissant la première. L'apparition de l'hostie consacrée, marquée de l'IHS, rendant inutile les anciens sacrifices de pain, l'autel des pains et la menorah s'en trouvant renversés.


La fête de la Présentation de Marie étant liée à la vie consacrée, la vignette de la messe offre une représentation assez rare de la cérémonie de prestation des vœux ecclésiastiques (fig. 10). L'identification exacte de l'action liturgique est difficile, peut-être s'inscrit-elle dans la cérémonie des ordres mineurs ?


Les images associées à la Vie intérieure de Marie sont peut-être les plus intéressantes. La vignette principale (fig. 11) représente, sur un fond d'architecture, deux anges adorant la venue de l'Esprit en Marie, visible en buste au sein d'une nuée et d'un fond doré. Cet élément central est une reprise du dessin donné par Charles Le Brun (1619-1690) au sein d'une série de commande passée par M. Olier et gravé par Jean Boulenger (1608-1680) (fig. 12). Cette composition évoque Marie comme Regina Cleri, reine du clergé, comme on peut le voir sur un vitrail installé en 1674 dans le chœur de l'église paroissiale (fig. 13). Cette place privilégiée de Marie comme récipiendaire privilégiée de l'Esprit est un élément important de la spiritualité olérienne.



La vignette de la première antienne (fig. 14), évoquant la figure de Marie comme tabernacle/réceptacle de la présence divine, représente la tente dressée par les hébreux pour recevoir l'Arche d'Alliance (Ex 35:35). Les antiennes de la messe sont aussi inhabituellement ornés.


La vignette est composée de trois cartouches sur une résille à fleurette (fig. 15). Relevant une tradition emblématique plutôt associée aux devises de la première moitié du XVIIe siècle, chaque cartouche contient un objet explicité par une courte sentence latine. Au centre une grenade, Melior intus (meilleur à l'intérieur), à gauche un four à chaux, Ferventios intus (plus brûlant à l'intérieur), à droite une riche, Nihil amarum intus (aucune aigreur à l'intérieur) et sur la première vignette une huître perlière Pretium intus (précieux à l'intérieur), évoquant aussi bien l'Incarnation que les dispositions intérieures de Marie, exemple parfait des dispositions que devrait cultiver le chrétien. Enfin, tout comme dans le chœur de l'église Saint-Sulpice, l'image de la Regina cleri est mise en parallèle à celle de l'Annonciation (lettrine du graduel), mettant en pendant les deux effusions de l'Esprit Saint en Marie, lors de la Nativité et lors de la Pentecôte.

À la veille de la révolution, les entreprises de rénovation liturgique vont bon train dans l'église de France. Le séminaire de Saint-Sulpice y participe à sa mesure, perpétuant les usages liturgiques issus du monachisme médiéval et des réfomes tridentines ainsi que l'héritage spirituelle de son fondateur, ce dont témoigne cet imposant manuscrit.

L'histoire matérielle de la reliure est assez difficile à retracer. Comparée à l'antiphonaire de Moutiers-Saint-Jean, on peut se demander si le cuir, un veau brun orné de lignes géométriques à la roulette, les angles et les plats ne dateraient pas du XVIIIe siècle, les bordures de laiton maladroitement ajoutées le long de bords pourraient indiquer une restauration ultérieure.


Archives de Saint-Sulpice - Paris 

Clément SAVARY, consultant auprès du Comité du Patrimoine
Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice