Février 2023


eglise st sulpice 1Élévation du grand Portail de l’église de st. Sulpice de Paris, bâti sur les dessins et sous la conduite de sr Servandoni, Cher de l’Ordre Militaire du Christ, et Membre de l’Académie Royale de Paris.

(dim. 61.7 cm x 46.4 cm)
Les Archives de Saint-Sulpice conservent en leur sein plusieurs gravures de l’église l’église paroissiale du même nom. L’une d’entre elles, représente la façade telle qu’elle fut imaginée – mais jamais totalement réalisée – par l’architecte franco-italien Jean-Nicolas Servandoni.


eglise st sulpice 8Figure 1 En 1646, l’ancienne église gothique Saint-Sulpice-des-Champs est devenue trop petite et vétuste pour le Paris du XVIIe siècle qui ne cesse de s’étendre et de se moderniser. C’est Jean-Jacques Olier, alors curé de Saint-Sulpice depuis 1642 (fig. 1), qui est à l’origine des grands travaux qui vont transformer la vieille église moyenâgeuse en ce majestueux édifice que nous pouvons admirer aujourd’hui.


C’est à Daniel Guittard, architecte et ingénieur du roi, que l’on doit le plan détaillé de Saint-Sulpice, plan qui sera légèrement réorienté par rapport à l’ancien édifice (fig. 2).

 eglise st sulpice 9Fig. 2 : Plan avec emplacement de l’ancienne église et indications des dates des travaux


Après une première phase de travaux (1646-1678) le chantier doit s’interrompre suite à une cessation de paiement et ne reprendra que 40 ans plus tard. Pendant ces années d’interruption, le nouveau chœur doit cohabiter avec l’ancienne nef et ce malgré un dénivelé de quatre mètres entre les deux parties (fig. 3).

eglise st sulpice 10Fig. 3 : Plan de Paris montrant le raccordement, durant l’interruption des travaux, entre l’église médiévale et le nouveau chœur (Bullet et Blondel, 1676)

Grâce aux efforts de Jean Jean-Baptiste Languet de Gergy, nouveau curé de Saint-Sulpice depuis 1714, le chantier pu reprendre son cours dès 1719 sous la direction de Gilles Marie Oppenord. A la fin de cette deuxième phase de travaux (1733), le gros-œuvre, l’ornementation et la décoration sont terminés.


Ne manque plus qu’à cette majestueuse église qu’une façade digne du reste de l’édifice. Un concours est donc organisé dès 1726 pour la concevoir. Plusieurs concurrents sont en lice dont Gilles Oppenord, lui-même, Juste-Aurèle Meissonier (fig. 4), Varin (fig. 5) et Jean-Nicolas Servandoni. Le projet d’Oppenord est jugé trop complexe, celui de Varin banal et celui de Meissonnier trop fantaisiste. C’est donc le projet de Servandoni qui remporte le premier prix en 1732 (fig. 6).

 

 

Sur son projet (fig. 7), l’élévation de la façade se compose de deux portiques superposés, composés de douze colonnes d’ordre dorique avec un linteau décoré de métopes et triglyphes au premier niveau et d’ordre ionique au second.


Au premier niveau, on dénombre sept arcades dont trois ouvrent sur l’église, deux sont ornées de statues et les deux situées aux extrémités constituent les fenêtres des deux chapelles circulaires qui abriteront du côté nord les fonds baptismaux et du côté sud les éléments nécessaires pour administrer les derniers sacrements. Au-dessus des arcades, sept panneaux, sculptés par René Michel Slodtz, représentent les vertus théologales (Charité, Foi, Espérance) et cardinales (Justice, Force, Tempérance et Prudence).


Au deuxième niveau, trois arcades sont dessinées : une au centre et deux aux extrémités. La loggia à usage décoratif, aurait initialement due abriter une bibliothèque. Dans son projet, Servandoni imaginait un escalier dans la tour sud, jamais construit, desservant ce deuxième niveau sur lequel des processions auraient pu se déployer et être visibles de loin.


Chapeautant ces deux niveaux un très grand fronton triangulaire décoré, avec une sculpture à son sommet composé de deux personnages encadrant un globe sur lequel se dresse une croix.


Pour terminer, les deux tours se composent au sommet d’un campanile, surmonté des statues de saint Pierre et de saint Paul, reposant sur un étage bas de plan polygonal surmonté d’un fronton arrondi. La construction même des deux tours, aurait nécessité une autorisation spéciale car seules les cathédrales possédaient deux tours, contre une seule pour les églises, tandis que les abbayes pouvaient en avoir trois.


Ce projet de façade, qui sera modifié, s’inspire de celle de la cathédrale Saint-Paul de Londres (fig. 8), fréquentée par Servandoni pendant sa jeunesse.

eglise st sulpice 13Fig. 8 : Cathédrale Saint-Paul de Londres

(Gravure conservée aux Archives de Saint-Sulpice – Paris)
Servandoni meurt en 1766 avant d’avoir terminé son projet. Si les deux portiques sont achevés, les tours, elles, sont à peine commencées. Un nouveau concours est ainsi lancé pour prendre la suite des travaux de la façade.


Le vainqueur, Oudon de Mac’Laurin, construit le fronton voulu par son prédécesseur, mais la foudre qui s’abat sur lui en 1770 le détruit et il ne sera jamais reconstruit. Le fronton laisse alors place à une grande terrasse bordée d’une balustrade.


Le gros-œuvre des deux tours jumelles terminé, il est décidé de les agrandir et de modifier leur apparence pour une meilleure accointance avec le style du reste de la façade.

eglise st sulpice 14Fig. 9 : Elévation de la façade de Saint-Sulpice revue par Chalgrin

En 1775, Jean-François Chalgrin reprend donc le chantier de la façade selon les nouvelles directives (fig. 9). Il transforme la tour nord en remplaçant le plan polygonal de l’étage bas en plan carré ornementé de pilastres et colonnes aux chapiteaux corinthiens adossées, supportant un linteau surmonté d’un fronton triangulaire. Le dernier étage de la tour est quant à lui constitué d’une tour en rotonde coiffée d’une balustrade.


En 1789, la Révolution met fin au chantier de la façade. La tour sud, moins haute de cinq mètres, ne bénéficiera jamais du même traitement que sa jumelle et reste encore aujourd’hui dans l’état d’achèvement du temps de Mac’Laurin.

Pour plus de détails sur la construction de l’église Saint-Sulpice, je vous invite à consulter l’exposition virtuelle qui lui est consacrée : https://www.saintsulpicefrance.fr/documentation/expositions/571-projet-de-facade-de-servandoni-pour-l-eglise-de-saint-sulpice-a-paris

 

Dr Émeline PULICANI, bibliothécaire-catalogueuse
Province de France de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice