Novembre 2022


 les francs macons un mois une oeuvre 1 1[Charles-Louis Cadet de Gassicourt], Les Francs-maçons ou les Jacobins démaqués : fragmens pour l’histoire, [s. l.], [s. n.], [s. d.]

 

Dès sa création, la franc-maçonnerie a suscité beaucoup de fantasmes, dont celui d’un complot mondial visant à détrôner les têtes couronnées.


C’est ce dont traite ce petit ouvrage de 55 pages qui comportent deux parties. La première sur l’histoire et l’origine supposée des francs-maçons, la deuxième sur leurs liens présumés avec la Révolution française et leurs « exploits » à travers le monde.


Son auteur, qui n’est autre que Charles-Louis Cadet de Gassicourt (1769-1821), fils illégitime du roi Louis XV, dresse clairement un procès à charge contre les francs-maçons qu’il qualifiera tout au long de l’ouvrage de « Jacobins », « vrais Templiers », « Initiés », « Conjurés », « Frères et Amis », ou encore « Meneurs secrets ».

les francs macons un mois une oeuvre 2 1Première partie (p. 5-32)

Origine de la franc-maçonnerie

La première moitié de l’ouvrage fut d’abord éditée séparément, en 1775, sous le titre Le Tombeau de Jacques Molay ou le Secret des Conspirateurs, à ceux qui veulent tout savoir. Elle est donc consacrée à l’histoire des francs-maçons qui, pour l’auteur, remonterait aux Templiers et dont l’objectif suprême serait de renverser les rois et d’instaurer une république mondiale.

Ainsi, tout aurait commencé par l’arrestation de Jacques de Molay, dernier Grand-Maître de l’Ordre du Temple. Avant son exécution sur le bûcher par le roi Philippe IV le Bel le 18 mars 1314, Jacques de Molay aurait fondé quatre « Loges-Mères » réparties dans toute l’Europe : « pour l’Orient, Naples ; pour l’Occident, Edimbourg ; pour le Nord, Sthokolm ; et pour le Midi, Paris » (p. 11).

L’auteur (p. 11-12) précise ensuite que :

« Le lendemain de l’exécution de Molay, des Templiers, déguisés en Maçons, virent recueillir les cendres du bûcher. Quinze jours après, le nommé Squin-de-Florian, Chevalier, qui avait dénoncé l’Ordre, meurt assassiné. Il fut enterré à Avignon ; mais les Templiers enlevèrent son corps de son tombeau, et y déposèrent les cendres de Jacques Molay. Alors les quatre Loges de Francs-Maçons, créées par le Grand-Maître, s’organisent, et tous les Membres y prêtent Serment d’exterminer tous les Rois et la race de Capet, de détruire la puissance du Pape ; de prêcher la liberté des Peuples, et de fonder une République universelle. »

D’un point de vue historique, la franc-maçonnerie remonterait à la toute fin du XVIe siècle (1598) en Écosse et au XVIIe siècle en Angleterre. Il faut également distinguer la franc-maçonnerie dite « opérative » relative à des corporations de bâtisseurs, de la franc-maçonnerie dite « spéculative » qui elle est de nature philosophique.


Il est difficile de donner une définition unique de la franc-maçonnerie puisque chaque obédience (regroupement de loges) en a sa propre conception. A titre d’exemple, pour le Grand Orient de France la franc-maçonnerie est une « institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive » ayant pour objectif « la recherche de la vérité, l'étude de la morale et la pratique de la solidarité » ; tandis que la Grande Loge suisse Alpina se définie comme « une alliance d’hommes libres de toutes confessions et de tous horizons sociaux ».

 

Pratiques et rites de la franc-maçonnerie

Afin de mettre en œuvre leur vaste complot, l’auteur nous explique leur façon de procéder au recrutement de personnes dignes de confiance (p. 12-13) :

« ils inventèrent les Loges ordinaires de Maçonneries, sous le nom de Saint-Jean, de Saint-André. Ce sont celles que l’on connaissait en France, en Allemagne, en Angleterre ; Sociétés sans secret essentiel, dont les Singeries ne servent qu’à donner le change, et à faire connaître aux vrais Maçons les hommes qu’ils peuvent associer à la grande Conspiration. Ces Loges, que je pourrais appeller préparatoires, ont un but d’utilité réelle ; elles sont consacrées à la bienfaisance, et ont établi, entre les différents peuples, des liens de Fraternité infiniment estimables ; aussi vit-on des hommes vertueux rechercher avec empressement de pareilles Sociétés. »

La franc-maçonnerie possède des rites et pratiques secrètes que nous livre l’auteur au fil des pages. Il commence par nous décrire des détails sur leurs assemblées et leurs signes de reconnaissance (p. 13) :

« Les vrais Templiers ou Jacobins ne tiennent point de Loge : leurs Assemblées s’appellent Chapitre. Il y a quatre Chapitres, un dans chaque Ville désignée par Jacques Molay, et composé chacun de vingt-sept Membres. Leur mot d’Ordre est Jakin Boos Mac-Benach Adouaï 1314, dont les lettres initiales sont celles de Jacobus Burgundus Molay Beat. anno Domini 1314. Les autres mots sacramentels sont Kadosch, qui signifie Regeneratur ; Nekom, qui retranche du nombre de vivans ; Paul Kal Pharaskal, qui met à mort les Profanes. »

« Quand ils s’abordent dans leurs Assemblées, ils se prennent les mains comme pour se poignarder. Ils portent, pour se reconnaître, un anneau d’or émaillé de rouge ; et dans le cas de danger, ils ont sur la poitrine une Croix-de Malte de drap écarlate. Lorsqu’ils entrent dans une Loge, ils ont seuls le droit de traverser dans le milieu du Tapis qui est vis-à-vis le Trône. »

Il rapporte également ce qu’il semble être un rite initiatique sous forme de questions-réponses trouvé sur un certain James Veldor, franc-maçon irlandais, qui s’est rendu coupable de haute trahison (p. 24) :

 

« Demande. Je suis intéressé ?
Réponse. Et moi aussi.
D. Avec qui ?
R. Avec la Convention nationale.
D. Quel est votre but ?
R. La Liberté.
D. Où est votre projet ?
R. Sa base est fondé sur le roc.
D. Que vous proposez-vous ?
R. De subjuguer toutes les Nations, de détrôner les Rois…….
D. Où le Coq a-t-il chanté, quand tout l’Univers l’a entendu ?
R. En France.
D. Quel est le mot de passe ?
R. Eliphismatis »

 

Enfin, l’auteur nous raconte, avec force détails, le rite de passage permettant d’accéder à ce que les francs-maçons appelleraient le « grand Secret » (note 1, p. 26-27) :

« Une des épreuves sublimes, en usage dans les Loges, est de poignarder, dans une caverne, l’assassin d’Hiram », architecte du Temple de Salomon, « d’apporter sa tête sur l’autel, et de boire dans un crâne humain. Le Récipiendaire a les yeux couverts d’un bandeau : on lui fait égorger un Mouton dont on lui fait tâter le cœur qui palpite (l’estomach de l’animal est rasé). Pendant que le Récipiendaire se lave les mains, on substitue, à la tête du Mouton, une tête de cire ensanglantée, que le Franc-Maçon apperçoit quand il a les yeux libres, et qu’on enlève à l’instant pour lui laisser l’illusion. »

 les francs macons un mois une oeuvre 3 1Seconde partie (p. 33-55)


Les exactions des francs-maçons

Après un plaidoyer contre « les traitements inhumains » subis par le Clergé français par les « Buveurs-de-sang » (les Révolutionnaires), l’auteur liste les différents agissements des francs-maçons, accomplis en sous-main, dans le but de réaliser leur grand dessein.

Selon Charles-Louis Cadet de Gassicourt, les francs-maçons sont responsables de la chute de Louis XVI et de sa famille (p. 42-44 et 46-47). D’abord en participant au discrédit de la reine Marie-Antoinette avec la fameuse « Affaire du collier ». Ensuite, en faisant empoisonner les deux héritiers Louis-Joseph et Louis Charles. Enfin, à travers le ministre des finances Jacques Necker et en manipulant Louis-Philippe d’Orléans, ils contribuèrent à la disgrâce du roi et à sa condamnation à mort.

Ils auraient également œuvré pour l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique (p. 44-46), pour l’établissement de la République de Hollande (p. 47-49) et enfin, ils auraient même collaboré à la dissolution de la Compagnie de Jésus (p. 49-53).

 

Francs-maçons célèbres

Pour terminer, nous citerons quelques personnalités franc-maçonnes historiquement avérées. Parmi elles, nous retrouvons, des personnages politiques : deux présidents américains, George Washington et Théodore Roosevelt, Frédéric II, Roi de Prusse ou encore les rois d’Angleterre Edouard VIII et Georges VI. Mais également, des philosophes comme Voltaire et Benjamin Franklin, des écrivains tels que Stendhal, Goethe et Oscar Wilde, et des musiciens comme Mozart ou Louis Armstrong.

 les francs macons un mois une oeuvre 4 1Quatre grandes figures franc-maçonnes

En haut : Georges Washington (à gauche) et Oscar Wilde (à droite)

En bas : Mozart (à gauche) et Voltaire (à droite)



 

Conservé à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque de la Compagnie (Paris) sous la cote Rés. P. 59.

Dr Émeline PULICANI, bibliothécaire
Province de France de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice