Histoire de l’église Saint-Sulpice à Paris


eglise st sulpice 1Rues de Paris. Église St Sulpice / Church of St Sulpice
Les Archives de Saint-Sulpice conservent en leur sein plusieurs gravures de l’église l’église paroissiale du même nom nous donnant ainsi l’opportunité d’aborder l’histoire de l’église Saint-Sulpice à travers l’évolution de son plan architectural et de la construction de sa façade.


Qui était saint Sulpice ?

eglise st sulpice 2Fig. 1 : Saint Sulpice (vitrail du chœur de l’église)
Né en 570 à Vatan (Indre) d’une famille noble gallo-romaine, saint Sulpice, dit « le Bon », « le Pieux » ou encore « le Débonnaire », se destine très tôt à une vie monastique. Ses parents s’opposant à sa volonté, il fallut attendre l’année 612 pour que l’évêque de Bourges, saint Outrille, connaissant sa droiture et sa piété, fit appel à lui. Il le nomma archidiacre et lui confia plusieurs missions importantes telles que la gestion de la Maison épiscopale, la responsabilité de l’assistance aux pauvres et la direction de l’École cathédrale de Bourges. Six ans plus tard il fut enfin ordonné prêtre et rejoignit le roi Clotaire II en tant qu’aumônier des armées royales.

En 624, à la mort de saint Outrille, il devint archevêque de Bourges. Avec sa volonté, toujours chevillée au corps, de s’occuper des pauvres et des malades, il fonda le premier Hôtel-Dieu de la ville. Saint Sulpice meut le 17 janvier 647 après avoir mené, malgré ses hautes fonctions, une vie austère et constamment tournée vers les plus nécessiteux.


L’évolution de l’église Saint-Sulpice


L’ancienne église


Avant d’être la majestueuse église que nous connaissons aujourd’hui, Saint-Sulpice a connu plusieurs transformations et agrandissements au fil du temps. A l’origine, ce fut une simple église de village du début du XIIe siècle, alors nommée Saint-Sulpice-des-Champs. Les cryptes de l’église actuelle conservent toujours des vestiges de l’ancienne nef (fig. 2).

 

eglise st sulpice 3Fig. 2 : Cryptes : bas des murs et colonnes de l’ancienne église

 

Au XIIIe siècle le plan de l’église était constitué d’une nef à six travées avec un chevet plat, le tout mesurait 32 m de long sur 18 m de large (fig. 3).


L’église fut ensuite agrandie au le XIVe siècle, puis encore au XVIe. La nef est alors plus longue de deux travées et le chevet plat laisse place à une abside comptant sept chapelles. L’église atteignait alors 51 m de long (fig. 4).


Enfin entre 1615 et 1631, des bas-côtés avec une sacristie et neuf chapelles accolées, furent ajoutés (fig. 5). A cette époque, Saint-Sulpice était une petite église de style gothique, telle que l’on peut l’observer sur la gravure réalisée par Jean Marat (fig. 6).

 

  eglise st sulpice 4Fig. 3 : Plan de l’église au XIIIe siècleeglise st sulpice 5Fig. 4 : Plan de l’église (XIVe et XVIe siècles)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 eglise st sulpice 6Fig. 5 : Plan de l’église (1615-1631)

 


 eglise st sulpice 7 Fig. 6 : L’église de Saint-Sulpice en 1642 (gravure de Jean Marot)



Les grands travaux

La ville de Paris ne cessant de s’étendre et de se moderniser, il fut décidé de démolir et remplacer l’ancienne église de Saint-Sulpice devenue trop vétuste et exiguë. Le nouveau plan fut approuvé le 15 août 1645 et la première pierre posée le 20 février 1646 par la régente Anne d’Autriche elle-même, accompagné futur roi Louis XIV alors âgé de huit ans.


1ère phase des travaux : 1646-1678


eglise st sulpice 8Figure 7

La nouvelle construction fut décidée par Jean-Jacques Olier, curé de la paroisse depuis le mois d’août 1642 (fig. 7).


Trois architectes se sont succédés pour donner les plans de la nouvelle église. Le premier, Christophe Gamard, décédé en 1649 n’a pu terminer que les murs bas de la chapelle de la Vierge. Louis le Vau, premier architecte du roi, le remplace mais ses autres chantiers ne lui permettent pas de se consacrer pleinement à Saint-Sulpice. Le Vau se retire donc au profit de Daniel Guittard, architecte et ingénieur du roi. C’est à ce dernier que l’on doit les plans détaillés de Saint-Sulpice qui ne seront pas modifiés jusqu’à la fin des travaux, à l’exception de la façade dont nous reparlerons plus en détails ci-après.

 

eglise st sulpice 9Fig. 8 : Plan avec emplacement de l’ancienne église et indications des dates des travaux

Le plan de la nouvelle église fut légèrement réorienté par rapport à l’ancien édifice (fig. 8). On commença les travaux par le chœur de l’église avec la construction de la chapelle de la Vierge achevée en 1667. En 1678, pour cause de cessation de paiements, le chantier le fut interrompu et ne reprendra que 40 ans plus tard ! Les plans de Paris de cette époque montrent bien le raccordement du nouveau chœur à la nef de l’ancienne église et ce malgré un dénivelé de 4 mètres entre les deux parties (fig. 9).

 

eglise st sulpice 10Fig. 9 : Plan de Paris montrant la cohabitation, durant l’interruption des travaux, entre l’église médiévale et le nouveau chœur (Bullet et Blondel, 1676)


2ème phase des travaux : 1719-1732


Depuis sa nomination comme curé de Saint-Sulpice en 1714, Jean-Baptiste Languet de Gergy n’a cessé de tout mettre en œuvre pour trouver les fonds nécessaires à la poursuite des travaux de son église. Pour ce faire il eut l’idée de faire appel à la générosité de ses riches paroissiens et obtient le droit d’organiser en 1721 une loterie annuelle qui eut un grand succès et rapporta beaucoup d’argent (fig. 10). Grâce aux efforts de Jean-Baptiste Languet de Gergy, le chantier put reprendre son cours dès 1719 sous la direction de Gilles Marie Oppenord. Il conserva les plans établis par Guittard et fit appel aux deux frères Sébastien-Antoine et Paul-Ambroise Slodtz pour l’ornementation. Le bras sud du transept est achevé 1723, les bas-côtés en 1724, la coupole située à la croisée en 1727 et la voûte de la nef en 1731.

 

eglise st sulpice 11Fig. 10 : Affiche promotionnelle de la loterie. Devant une église en chantier, saint Sulpice encourage les riches paroissiens à participer financièrement à la construction. Derrière le saint, M. Olier est représenté les mains jointes sur le cœur


A l’exception de la façade, le gros-œuvre, l’ornementation et la décoration furent terminé en 1733. Le plan final de l’église Saint-Sulpice se présente donc ainsi (fig. 8) :


Une église en croix latine orientée ouest-est avec un transept peu saillant. La nef centrale est flanquée de bas-côtés s’ouvrant sur dix chapelles. Au sud, les chapelles des Saints-Anges, des Âmes du Purgatoire, de saint Jean-Baptiste de la Salle, de sainte Jeanne d’Arc et de saint Jean-Baptiste. Au Nord, celles de saint François-Xavier, saint François de Sales, saint Paul, saint Vincent de Paul et celle du Sacré-Cœur.


Après le transept, deux sacristies se font face, respectivement au sud celle des messes et au nord celle des mariages.


Le chœur à déambulatoire dessert neuf chapelles rayonnantes. Du sud au nord nous avons les chapelles saint Denis, saint Martin, sainte Geneviève, sainte Anne, la chapelle de la Sainte Vierge au centre, puis les chapelles saint Louis, saint Joseph, saint Charles de Borromée et enfin saint Jean l’Evangéliste.


3ème phase des travaux : 1733-1789


Un concours est organisé dès 1726 pour concevoir une nouvelle la façade de l’église. Plusieurs concurrents sont en lice dont Gilles Oppenord, lui-même, Juste-Aurèle Meissonier, Varin et Jean-Nicolas Servandoni. C’est ce dernier qui remporta le concours en 1732.

 

eglise st sulpice 12Fig. 11 : Projet de façade de J.-N. Servandonni

Sur son projet (fig. 11), l’élévation de la façade se compose de deux portiques superposés, composés de douze colonnes d’ordre dorique avec un linteau décoré de métopes et triglyphes au premier niveau et d’ordre ionique au second.


Au premier niveau, on dénombre sept arcades dont trois ouvrent sur l’église, deux sont ornées de statues et les deux situées aux extrémités constituent les fenêtres des deux chapelles circulaires qui abriteront du côté nord les fonds baptismaux et du côté sud les éléments nécessaires pour administrer les derniers sacrements.


Au deuxième niveau, trois arcades sont dessinées : une au centre et deux aux extrémités. La loggia à usage décoratif, aurait initialement due abriter une bibliothèque.

Chapeautant ces deux niveaux un très grand fronton triangulaire décoré, avec une sculpture à son sommet composé de deux personnages encadrant un globe sur lequel une croix est dressée.


Pour terminer, les deux tours se composent d’un campanile reposant sur un étage bas de plan polygonal surmonté d’un fronton arrondi.


Ce projet de façade, qui sera modifié, s’inspire de celle de la cathédrale Saint-Paul de Londres (Fig. 12), fréquentée par Servandoni pendant sa jeunesse.

 

eglise st sulpice 13Fig. 12 : Cathédrale Saint-Paul de Londres (Gravure conservée aux Archives de Saint-Sulpice – Paris)

Servandoni meurt en 1766 avant d’avoir terminé son projet. Si les deux portiques sont achevés, les tours, elles, sont à peine commencées. Un nouveau concours fut donc lancé pour prendre la suite des travaux de la façade. Le vainqueur, Oudon de Mac’Laurin, construisit le fronton voulu par son prédécesseur, mais la foudre qui s’abat sur lui en 1770 fait qu’il ne sera jamais reconstruit et fut remplacé par une grande terrasse bordée d’une balustrade. Les deux tours jumelles furent sur le point d’être terminées lorsqu’il fut décidé de les agrandir et de modifier leur apparence pour une meilleure accointance avec le style du reste de la façade.

 

eglise st sulpice 14Fig. 13 : Elévation de la façade de Saint-Sulpice revue par Chalgrin


En 1775, Jean-François Chalgrin reprit donc le chantier de la façade selon les nouvelles directives (fig. 14). Il transforma la tour nord en remplaçant le plan polygonal de l’étage bas en plan carré ornementé de pilastres et colonnes aux chapiteaux corinthiens adossées, supportant un linteau surmonté d’un fronton triangulaire.

Le dernier étage de la tour fut constitué d’une tour en rotonde coiffée d’une balustrade. Moins haute de cinq mètres, la tour sud n’a pas pu bénéficier du même traitement et reste encore aujourd’hui dans l’état d’achèvement du temps de Mac’Laurin.


Si la Révolution laisse la tour sud inachevée, des actes de vandalismes vont nécessiter de nouveaux travaux pour la remettre en état. C’est le curé Charles de Pierre qui s’employa à réparer les dommages causés, comme la construction d’un nouveau maître-autel, et à récupérer œuvres d’art et boiseries disséminées.


Il aura fallu attendre près de 140 ans et le concours de huit architectes pour voir le rêve de M. Olier se concrétiser. Ses 120 m de long, ses 57 m de large et ses 30 m de haut, fait de Saint-Sulpice la deuxième plus grande église de Paris après Notre-Dame.


Dr Émeline PULICANI, bibliothécaire-catalogueuse
Province de France de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice