Mai 2022


 

propheties nostradamus 1Les Prophéties de M. Michel Nostradamus. Reveuës et corrigées sur la copie imprimée à Lyon par Benoist Rigaud en l’an 1568, Troyes : Pierre du Ruau, rue nostre Dame [1605]

 

nostradamus portraitMichel de Nostredame, dit Nostradamus (1503-1566)

C’est en 1503 que Michel de Nostredame, dit Nostradamus, voit le jour à Saint-Rémy de Provence. S’il s’intéresse très tôt aux phénomènes célestes, c’est d’abord en tant qu’apothicaire qu’il exerce ses talents. En 1529, il décide de suivre des études de médecine à l’Université de Montpellier où il obtient le grade de docteur en 1532.


De 1544 à 1546, Nostradamus étudie et soigne – avec un succès mitigé – des malades de la peste à Marseille puis à Aix. En 1547, il continu son travail dans les villes de Lyon, Valence, Aix-en-Provence et Arles où il s’établit.
Son séjour en Italie (1547-1549) lui offre la possibilité de découvrir l’alchimie végétale, qui permet de confectionner des traitements à base confitures végétales. À son retour en France, il compose son Traité des confitures et fardements, qu’il publiera en 1555.


A cette époque, il était admis que les planètes avaient une incidence sur le corps humain et c’est en tant que médecin que Nostradamus s’est tout naturellement intéressé à l’astrologie.
Son engouement pour cette discipline est tel qu’il publie en 1550 son premier almanach, sorte de calendrier de prédictions valables pour l’année 1551. Ainsi, chaque année, un nouvel almanach s’appliquant à l’année suivante voit le jour.

Toutefois, c’est bien grâce à ses sibyllines Prophéties que Nostradamus passera à la postérité. Leur première publication, en 1555, comprend 353 quatrains réparties en quatre Centuries ; la dernière datant de 1568 en contient 942. Les 58 quatrains « manquants », sur les mille annoncés par Nostradamus, proviennent de la septième Centurie qui ne compte que quarante-deux quatrains.


Une des problématiques pour les interprètes de ces prophéties est que les éditions, voire même, les exemplaires de ces éditions, diffèrent entre elles et ne peuvent ainsi garantir une totale conformité avec le texte original.
C’est le cas de notre exemplaire qui est une édition revue et corrigée sur la base d’une copie datant de 1568. Il se compose de deux parties, celle comprenant les Centuries I à VII et celle des Centuries VIII à X. De plus, dans cette édition, plusieurs quatrains ont été ajoutés :


- Quatre à la fin de la septième Centurie numérotés LXXIII, LXXX, LXXXII et LXXXIII

septieme centurieAjout de quatre quatrains à la septième Centurie

- Deux Centuries : Centurie XI quatrains XCI et XCVII et Centurie XII, quatrains IIII, XXIII, XXXVI, LII, LV, LVI, LIX, XLII, LXV, LXIX et LXXI.

centuries xi xiiCenturies XI et XII

 

Enfin, suivent deux petits opuscules intitulés respectivement : « Présages tirez de ceux faicts par M. Nostradamus, ès années 1555 & suivantes iusques en 1567 » et « Prédictions admirables pour les ans courans en ce siècle. Recueillies des Mémoires de feu Maistre Michel Nostradamus, viuant Medecin du Roy Charles IX. & l’un des plus excellens Astronomes qui furent iamais. Présentées au tres-grand Invincible & tres-clement Prince Henry IIII. Vivant Roy de France & de Navarre. »

 

presagesOpuscule « Présages », Opuscule « Prédictions »

Le style littéraire ainsi que l’utilisation de plusieurs langues telles que le moyen français, le latin, le grec ou le provençal, rendent l’interprétation des Prophéties difficile par les exégètes, tout en leur laissant également une grande marge de manœuvre pour en faire la lecture.

 

quatrain grecExemple de quatrain utilisant le grec (Centurie IIII, quatrain XXXII)

 

quatrain provencalExemple de quatrain rédigé en provençal (Centurie IIII, quatrain XXVI)

 

Parmi les centaines de prophéties écrites par Nostradamus, la plus célèbre est celle du quatrain XXXV de la Centurie I :

 

extrait
Le lyon ieune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duelle,
Dans cage d’or les yeux luy creuera,
Deux classes une puis mourir mort cruelle.

 

Ce quatrain prophétiserait la mort du roi Henri II, survenue le 10 juillet 1559, au cours d’une joute du tournoi organisé à l'occasion du double mariage d'Élisabeth de France avec Philippe II d’Espagne et de Marguerite de France, sœur du roi, avec le duc de Savoie.

Ce jour-là, le roi affronte le comte de Montgommery à la lance. Le choc de son arme contre l’armure du roi est si violent qu’elle se brise en envoyant accidentellement un éclat à travers le heaume de son adversaire. Henri II en a l’œil transpercé, et décèdera de cette blessure dix jours plus tard.

S’agit-il de pures fadaises ou avait-il réellement le don de prescience ? Tout comme d’autres personnages liés au mysticisme, Nostradamus possède ses adeptes et ses détracteurs. Libre à chacun de se faire sa propre opinion sur le sujet. Toujours est-il que les Prophéties de Nostradamus ont fait – et feront encore – couler beaucoup d’encre sur leurs interprétations.


Pour Denis Crouzet, Professeur d’histoire moderne à l’Université Paris-Sorbonne, « Nostradamus racontait donc un monde humain devenant un enfer terrestre. Il mimait les avertissements effrayants des prophètes bibliques en annonçant les plus grandes calamités qui allaient affliger le peuple de Dieu. Il voulait faire comprendre à ses lecteurs qu’ils devaient se tenir à distance de ceux qui, emportés par leur prétention à détenir la vérité, étaient prêts à persécuter ou tuer leur prochain. Il recourait à la peur afin de signifier que la violence allait à l’encontre de la foi. À ses yeux, les exclusivismes religieux qui opposaient les catholiques et les protestants entraînaient la chrétienté dans une terrifiante et sanglante impasse. Il cherchait, en recourant à la puissance inquiétante de l’énigme, à montrer les dangers qui risquaient de faire oublier aux hommes le message d’amour du Christ. »

 

Conservé à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque de la Compagnie (Paris) sous la cote Rés. P. 57.

Dr Émeline PULICANI, bibliothécaire
Province de France de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice