La prestigieuse revue universitaire "Dix-septième siècle" vient de publier une recension de l'ouvrage collectif des Pères Chaillot, Noye et Pitaud "Jean-Jacques Olier, Correspondance. Nouvelle édition des lettres suivies de textes spirituels donnés comme lettres dans les éditions antérieures", paru aux Editions Champion en 2014. L'ouvrage (et l'entreprise dont il est le fruit !) contribuant de manière heureuse au rayonnement de la doctrine du fondateur de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice, je me permets de publier ici cette recension.



Olier 001 (2)

Jean-Jacques Olier, Correspondance. Nouvelle édition des lettres suivies de textes spirituels donnés comme lettres dans les éditions antérieures, par Gilles Chaillot, Irénée Noye et Bernard Pitaud, Paris, Honoré Champion, coll. « Mystica » n° 3, 2014 (984 p., 24 x 16 cm).

Il est heureux que l’abondante et passionnante production écrite de Jean-Jacques Olier continue d’intéresser les chercheurs. Après les publications de différents textes inédits par Mariel Mazzocco, voici maintenant une édition particulièrement soignée de la correspondance du fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, due aux trois savants sulpiciens qui sont certainement les meilleurs connaisseurs actuels d’Olier : Gilles Chaillot, Irénée Noye et Bernard Pitaud. L’on savait que cette entreprise éditoriale était en cours depuis longtemps : aujourd’hui, l’on ne peut que se réjouir du travail accompli. Certes, les lettres d’Olier avaient déjà été partiellement publiées, dès le XVIIe siècle. L’un de ses disciples les plus proches, Louis Tronson, qui devint d’ailleurs son deuxième successeur en 1676, publia en 1672 plusieurs Lettres spirituelles de son maître vénéré, plusieurs fois rééditées aux XVIIe et XIXe siècles. Cependant, pour éviter que des personnes encore vivantes ne fussent reconnues, Tronson dut retravailler ces lettres. Qui plus est, il publia comme lettres des textes spirituels, présentés sous forme épistolaire mais sans nom de destinataire ni date, et tirés, pour plusieurs d’entre eux, des volumineux Mémoires d’Olier. Une édition plus complète et annotée fut présentée en 1885 par Firmin-Régis Gamon. Mais c’est surtout le travail encore plus approfondi d’Eugène Levesque, paru en 1935, qui fit date et servit rapidement de référence pour quiconque souhaitait se plonger dans la vie et l’œuvre de Jean-Jacques Olier. Une nouvelle édition était néanmoins nécessaire : quelques erreurs de datation ou d’interprétation devaient être corrigées ; une présentation plus rigoureusement chronologique, en dépit des incertitudes, devait être proposée ; il convenait de distinguer entre les vraies lettres et les textes spirituels présentés sous forme de lettres plus ou moins fictives ; d’autres textes épistolaires, conservés à l’état manuscrit aux archives de la Compagnie de Saint-Sulpice ou connus par des ouvrages imprimés du XVIIe siècle, méritaient d’être ajoutés pour compléter cette correspondance. Surtout, il était indispensable d’offrir aux lecteurs d’aujourd’hui des notes plus nourries qui pussent les aider à comprendre sans difficultés les nombreuses allusions contenues dans les lettres d’Olier. Le fort volume publié par MM. Chaillot, Noye et Pitaud apparaît comme un outil très pré- cieux. On trouvera dans la dense introduction un résumé particulièrement éclairant de la doctrine d’Olier qui se révèle dans ces 353 lettres et ces 464 textes spirituels. Les principes d’édition y sont également expliqués de manière rigoureuse. Les trois index des références bibliques, des thèmes spirituels et des noms de personnes permettent une consultation aisée de cette édition sans doute définitive. Enfin, un glossaire aide à se familiariser avec le vocabulaire de l’auteur. En lisant cette correspondance, l’on entre dans un véritable univers social, spirituel, psychologique et littéraire : de 1634, terminus a quo, à 1657, terminus ad quem, le lecteur découvre ou redécouvre, par l’intermédiaire d’Olier, les initiatives apostoliques, les grandes questions de vie intérieure, les problèmes de la vie ecclésiale, les dévotions qui marquent cette époque si riche dans l’histoire de l’Église gallicane. Les correspondants d’Olier forment un réseau remarquable et varié : ces évêques, ces prêtres, ces laïcs influents, ces religieuses nous aident à découvrir comment l’homme se fait tour à tour dirigé et directeur spirituel, fils, frère et père, homme d’autorité et de conseil, homme de souffrance aussi. Sans doute pourra-t-on regretter que la correspondance passive d’Olier soit très mal conservée ; du moins trouvera-t-on dans cette édition les quelques rares lettres adressées à Olier qui nous soient parvenues. On appréciera en particulier la présence de la minute de Louis XIII, apparemment inédite jusqu’à présent, proposant à Olier la coadjutorerie de Châlons-sur-Marne en mai 1639, charge que le jeune prêtre refusa finalement sur le conseil de son directeur, Charles de Condren. Ce fut le prélude d’une grave crise psycho-spirituelle qui ne s’estompa qu’à partir du printemps 1641, et qui marqua durablement l’évolution intérieure d’Olier, en l’aidant à se libérer de ce qu’il appelait sa « superbe », et à « se laisser à l’Esprit », selon une formule qu’il affectionnait. Toute personne désireuse de mieux connaître le Grand Siècle des âmes et l’école française de spiritualité consultera avec un grand profit cet ouvrage de référence, soit en lecture continue, soit en lecture choisie, au gré des pages. Un seul regret : son prix élevé (115 €) ne le rend pas facilement accessible à tous les particuliers.

David Gilbert


« Comptes rendus », Dix-septième siècle 2015/4 (n° 269), p. 755-781. DOI 10.3917/dss.154.0755
Presses Universitaires de France