Le vendredi 27 novembre 2015, le P. Jean Longère, Archiviste à la Maison Générale et Provinciale de la rue du Regard à Paris, recevra sous la coupole du prestigieux Institut de France le 1er prix Gobert d'histoire. C'est un grand honneur pour toute la Compagnie, en particulier pour la Province de France qu'il sert avec grandes compétence et discrétion. Au nom de tous les confrères, je lui dis notre fierté à tous, et lui adresse nos plus vives félicitations.


M. Jean-Marc Micas, PSS
Supérieur Provincial de France


26 septembre 2015


Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Fondée en 1663, sous le règne de Louis XIV et à l’initiative de Colbert, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres est l’une des cinq Académies de l’Institut de France. Elle est installée depuis 1805 dans le Palais de l’Institut, ancien Collège des Quatre Nations, dont la célèbre Coupole fait face au Louvre.


Sous le nom d’Académie des inscriptions et médailles (1683), elle était à l’origine chargée de trouver les devises latines et françaises destinées à être inscrites sur les édifices, les médailles et les monnaies du roi.


Mais dès 1701 une réforme lui donna la mission qui est restée la sienne : l’avancement et la diffusion des connaissances dans les domaines de l’Antiquité classique, du Moyen Âge, prolongé désormais jusqu’à l’âge classique, et de l’ensemble des civilisations de l’Orient proche et lointain. Elle se tourne aujourd’hui vers les autres continents, en particulier à travers les études amérindiennes. Ses travaux portent donc sur l’histoire, l’archéologie et l’histoire de l’art, la philologie et la linguistique, la littérature, l’histoire des idées ainsi que sur les disciplines connexes (épigraphie, numismatique, diplomatique, etc.)


Dépositaire d’une très longue tradition d’érudition, dont témoigne le fait qu’elle publie la plus ancienne revue scientifique encore vivante, le Journal des savants, fondé en 1665, elle est extrêmement active comme le montrent la renommée de ses publications et le prestige dont elle jouit à travers le monde…


Appelée statutairement à assurer un rôle de promotion et de valorisation de la recherche au moyen des prix qu’elle décerne, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres contribue tout particulièrement, par les communications et notes d’information présentées lors de ses séances, à la résonance nationale et internationale des études et des découvertes récentes en matière de science et d’érudition…


Séance du 27 septembre 2013

M. Michel Zink, Secrétaire perpétuel de l’Académie, a la parole pour deux hommages…

J’ai l’honneur de déposer également sur le bureau de l’Académie de la part de son auteur, Monsieur l’abbé Jean Longère, le premier volume de l’édition des sermons ad status de Jacques de Vitry : lacobi de Vitriaco Sermones vulgares vel ad status. Prologus I-XXXVI, cura et studio Jean Longère. Turnhout, Brepols, 2013 (Corpus Christianorum, Continuatio Mediaevalis, 255), CXIV-792 p.


Jacques de Vitry (ca 1165-1240) doit largement à ses talents oratoires le rôle important qu’il a joué dans la vie de l’Église de son temps. Arrivé au prieuré de Saint-Nicolas d’Oignies vers 1208, il y est le confident de Marie d’Oignies, dont il écrira la vie à la demande de l’évêque de Toulouse, Folquet, l’ancien troubadour Folquet de Marseille. C’est en liaison avec lui et en conformité avec une préoccupation de Marie d’Oignies qu’il prêche en 1212-1213 contre les albigeois et en faveur de la croisade menée dans le Midi depuis 1209. Il est déjà à cette date un prédicateur réputé. Cette réputation n’est sans doute pas étrangère à sa nomination en 1216 au siège épiscopal de Saint-Jean-d’Acre, auquel il renoncera en 1228, alors qu’il était de retour en Europe depuis trois ans. Il est, dans ces années-là, très proche du célèbre prince évêque de Liège, Hugues de Pierrepont, qui le charge de plusieurs missions et fait de lui son exécuteur testamentaire. Jacques de Vitry assiste en avril 1229 à ses derniers moments, peu avant d’être appelé à Rome par Grégoire IX qui le crée cardinal. Il meurt en 1240.


En dehors de quelques lettres écrites depuis la Terre sainte, l’œuvre de Jacques de Vitry comprend sa vie de Marie d’Oignies, une Historia Hierosolimitana abbreviata et surtout des sermons dont le succès est attesté par une tradition manuscrite importante : sermones de tempore, de sanctis, feriales vel communes vel quotidiani, vulgares vel ad status. C’est de cette dernière collection que M. Longère a entrepris l’édition.


Peu d’entreprises éditoriales, pour cette époque et dans cet ordre du savoir, étaient aussi attendues. Nul n’était mieux qualifié que M. Longère pour s’en charger.


Les sermons de Jacques de Vitry, dont l’importance est reconnue de tous et dont les nombreux exempla, en particulier, ont été abondamment exploités, n’ont fait l’objet jusqu’ici d’aucune édition moderne systématique. Des sermons isolés ont été édités, souvent par Jean Longère lui-même, d’autres traduits. Il y a vingt ans, une thèse canadienne a procuré une édition critique des sermones feriales, mais cette édition est restée elle-même inédite. Et c’était tout. L’entrée des sermones ad status dans la prestigieuse collection du Corpus Christianorum est donc particulièrement bienvenue.


M. Longère, directeur de recherche honoraire au CNRS, est, avec notre correspondant français, Mme Nicole Bériou, le plus grand spécialiste en France, sinon dans le monde, de la prédication médiévale. Sa thèse monumentale et magistrale, Œuvres oratoires de maîtres parisiens au XIIe siècle. Étude historique et doctrinale, est un ouvrage classique. Son érudition parfaite et discrète fait l’admiration de tous. On ne s’étonne donc pas que son édition soit particulièrement soignée. Une longue introduction présente Jacques de Vitry, son œuvre et les manuscrits qui l’ont transmise, l’histoire du texte, sans se limiter au recueil édité. Elle est suivie d’une bibliographie exhaustive. S’agissant des sermones ad status, Jean Longère rectifie deux erreurs du Répertoire de J.-B. Schneyer.


Le texte des sermones vulgares vel ad status est établi à partir de dix manuscrits, répartis en quatre familles. Les variantes relevées dans l’apparat critique sont donc nombreuses, mais présentées avec la plus grande clarté. La fin du volume est occupée par un Index locorum Sanctae Scripturae et un Index fontium occupant près de deux cents pages. Ils répondent, dans l’édition, aux deux premiers étages de l’apparat critique.[…]


En lui-même, le principe des sermones ad status est d’un immense intérêt : un sermon adressé à une catégorie spécifique d’auditeurs définis par leur statut dans l’Église ou dans la société fournit une moisson d’indications et de renseignements précieux sur l’articulation de la vie religieuse et morale avec la vie sociale et sur les représentations de l’une et de l’autre. Le titre sermones vulgares vel ad status implique l’ambition, en s’adressant à chaque état, de toucher tout le monde. Les sermons de Jacques de Vitry, écrits avec clarté, simplicité et fermeté, se soumettent par leur construction, leur plan, leur organisation aux règles canoniques du genre tout en veillant à être accessibles à tous, comme le montrent à la fois leur style et les exempla qui les illustrent. Enfin, leur prologue, que l’on peut lire depuis une trentaine d’années dans une traduction française, sorte de court traité théorique et pratique de prédication, est d’une extrême richesse.


Les « états » auxquels s’adressent les trente-six premiers sermons, ceux qui figurent dans le présent volume, appartiennent tous à l’Église. Souhaitons que le travailleur infatigable qu’est depuis un demi-siècle M. Longère nous permette bientôt de découvrir la suite de la collection et de lire les sermons qui s’adressent à d’autres catégories de la société.

Ouvrages couronnés par le 1er prix Gobert (depuis 2010)

◦ 2010 - Laurent Vissière, Sans poinct sortir hors de l’ornière. Louis II de La Trémoille (1460-1525).
◦ 2011 - M. Jean-Marie Moeglin, Deutsch-Französische Geschichte – Kaisertum und allerchristlicher König 1214 bis 1500.
◦ 2012 - Reynald Abad, La grâce du roi. Les lettres de clémence de Grande Chancellerie au xviiie siècle.
◦ 2013 - M. Alexandre Cojannot, Louis Le Vau et les nouvelles ambitions de l’architecture française, 1612-1654.
◦ 2014 - M. Michel Hébert, Parlementer. Assemblées représentatives et échange politique en Europe occidentale à la fin du Moyen Âge.
◦ 2015 - M. l’abbé Jean Longère pour le t. I de son édition des Sermones vulgares vel ad status de Jacques de Vitry, Prologus I-XXXVI (Turnhout, Brepols, Corpus Christianorum, Continuatio Mediaevalis 255, 2013).